Je ne veux voir dans mes propos ni rancoeur, ni
Je ne veux voir dans mes propos ni rancoeur, ni vengeance encore moins de la haine, tout simplement je voudrais, en toute honnêteté, me tourner vers celles ou ceux à qui on n'a jamais posé la question: "Vous sentez-vous bien en France?" Depuis 1965 où je vis sur le sol métropolitain, venant de ma Martinique natale, je suis attentif au déroulement de ma vie..Pourquoi? Tout simplement, c'est comme s'il me fallait à tout moment un thermomètre pour prendre ma température...
Quand on est issue de l'immigration, on a juste le devoir de suivre, de se formater et d'exécuter sans ronchonner .... On a juste le droit que l'on s'octroie .... Voilà où se situe le mal français face à ses immigrés! Je me souviens que durant toute ma scolarité à Ducos, en Martinique, j'étais sur les traces de Victor Hugo, d'Alphonse Daudet, de Lamartine pour ne citer qu'eux... Je me souviens encore de ma géographie de France, de mon histoire de France depuis Hugues Capet...
Mais surtout, je me souviens encore des valeurs sentimentales, fraternelles, filiales et patriotiques qui m'ont aidé à appréhender le monde et les êtres humains. Ces valeurs dans lesquelles je crois et que j'aime transmettre.
Ces valeurs, qui sont le ciment de toute société, sont incontournables. Elles nous apprennent le respect, l'amour, l'amitié, la dignité, la justice, l'honneur.... Où puiser ces valeurs si ce n'est à travers l'éducation ? Oui, l'éducation n'est pas faite pour cataloguer selon tel ou tel degré de capacité, d'assimilation, ni pour faire émerger les élites ... d'ailleurs, quoique l'on fasse nous ne serons jamais reconnu comme des élites... Elle doit permettre d'apprendre...apprendre à connaître, se connaître, échanger, communiquer, respecter pour se respecter et accepter l'autre. Et pourtant, on dirait que dans ce monde l'autre n'existe pas.
Ce n'est certes pas dans la manière où l'immigré a été accueilli dans les années 60 que les liens ont pu se créer.
Que s'est-il passé à cette époque ?
Un afflux d'hommes et de femmes venant d'autres horizons avec leurs mœurs, leurs odeurs, leurs coutumes, leurs vices, leurs qualités et leurs défauts, leurs langues et leurs langages.... Certes tout cela sautait aux yeux et offrait le droit à la critique, au jugement de valeur mais on a malheureusement oublié leur essentiel : leur origine, leur culture, leur passé - c'est à dire leur histoire.
La France, à l'époque, pouvait se montrer généreuse, il y avait du travail....Ne dit on pas:" la gaieté vient du ventre...". En pleine extension, pleine croissance, on a entamé une politique de délocalisation d'immigrés dans certaines villes, bassins d'ouvriers en construisant des villes nouvelles. Je me souviens de CREIL, ville nouvelle...« Le domaine des haies »... Trois kilomètres du centre ville, pas de moyens de locomotion appropriés, absence d'administration, de structures permettant les échanges et la convivialité des nouveaux « parqués ». Par contre, il y eut tout de suite au milieu des HLM un bar- tabac-presse et jeux... Certes lieu de rencontre mais est-ce vraiment un lieu culturel où chacun pouvait échanger ?
Quelques temps après, est apparu une grande surface où la plupart d'entre nous n'accédait qu'à travers champ, faute de moyen de transport.
C'est à ce moment là que se situe la fracture, le sentiment d'inconsidération voir de mépris. À cette époque, cette population d'étrangers était encore imprégnée de la France sentimentalement et patriotiquement.... Ils y ont cru car on leur demandait d'y croire. Tous nous y avons cru, ainsi est née notre longue attente...
Cette génération était une génération docile, travailleuse, respectueuse. Une génération du « merci, bonjour, au revoir, s'il vous plait », génération du doudouisme...
Contre tout espoir, elle a élevé, éduqué sa marmaille. Nous étions coupés de ceux avec qui nous aurions pu échanger pour nous informer afin de nous adapter. Cette génération était courageuse car on leur avait demandé d'être courageux en attendant des jours meilleurs.
45 ans après, cette génération n'a pas pu prendre racines. De là où elle s'implantait, elle rêvait d'un ailleurs...Mais le temps n'attend pas, même si on dit que le temps sourit aux audacieux...Alors l'illégalité, l'indifférence, la discrimination l'injustice s'en sont mêlées... Les rêves se sont dissipés et les espoirs ont tourné au désespoir.
CE QUI ÉTAIT LUTTE HIER EST DEVENU COMBAT AUJOURD'HUI....
Dans ce combat, il faudra un vainqueur. Quel est le camp du vainqueur ? quel est le camp des vaincus ? Je ne prendrai pas le risque d'y répondre...
Je ne voudrais pas chercher de fautifs dans mon analyse mais je préciserai tout de même que la démagogie orchestrée par bon nombre de gens a produit ses effets...
Dans une démarche dite citoyenne et démocratique nul n'a le droit de se sentir exclu, que ce soit du fait de l'autre ou de son propre fait. Gilbert Jean-Marie-Flore, Martiniquais -Français